1- Avant l’instauration de l’article 80 duodécies du Code Général des Impôts par la loi de finances pour 2000, le régime fiscal des indemnités de rupture n’était pas défini par la loi. Il reposait sur une appréciation de l’administration et des tribunaux.

Les sommes versées étaient imposables dès lors qu’elles ne réparaient pas un préjudice distinct de celui résultant de la perte de rémunération. Etaient ainsi imposables les sommes correspondant à la compensation de la perte de salaire.

N’étaient pas imposables les sommes versées pour réparer un autre préjudice tel que le préjudice moral, professionnel ou pour compenser la difficulté à retrouver un emploi. Le préjudice non pécuniaire s’appréciait en fonction de chaque situation au regard notamment de l’âge, de l’ancienneté, du niveau de formation, des conséquences de la rupture sur la vie du salarié etc.

2- L’article 80 duodécies du Code Général des Impôts introduit par la loi de finances pour 2000 énonce un principe : toute indemnité versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail est une rémunération imposable, puis une lise d’exceptions, que sont les indemnités exonérées totalement ou partiellement d’impôts sur le revenu.

Dans le régime actuel des exceptions au caractère imposable, on distingue :

  • les indemnités totalement exonérés d’impôt: c’est le cas de l’indemnité forfaitaire dans le cadre du bureau de conciliation du conseil de prud’hommes (article L 1235-1 du Code du travail), de l’indemnité au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L 1235-3) ou nul (article L 1235-3-1), de l’indemnité versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un plan de départ volontaire (PDV articles L 1233-61 à L 1233-64) et des indemnités versées dans le cadre d’un accord collectif instaurant une rupture conventionnelle collective (L 1237-19-1),
  • Les indemnités partiellement exonérées d’impôt : la fraction des indemnités de rupture versées en dehors d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou d’un plan de départ volontaire qui n’excèdent pas le plafond fiscal (soit deux fois la rémunération annuelle brute de l’année civile précédant la rupture ou 50% de l’indemnité versée si ce seuil est supérieur, et ce dans la limite de 6 PASS ; soit le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement).

L’article L 242-1 du code de la sécurité sociale renvoie quant à lui à l’article 80 duodécies du CGI pour déterminer si une indemnité est soumise ou pas à cotisations.

Au fil du temps, la Cour de Cassation a exclu certaines rémunérations des exonérations, quand elles ne figuraient pas au nombre des indemnités limitativement énumérées par l’article 80 duodécies du CGI auquel renvoie l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale.

Tel a été le cas de l’indemnité pour violation du statut protecteur (Cass. Civ. 2° 12 février 2015 n°14-10.886) ou de l’indemnité versée aux salariés mis à disposition d’une entreprise extérieure et acceptant de démissionner pour être repris aux mêmes conditions par le repreneur (Cass. Civ. 2°, 9 février 2017 n°16-10.490) qui ne figurent pas sur la liste de l’article 80 duodécies du CGI et qui partant ne peuvent bénéficier de l’exonération de cotisations sociales.

Il semblait par voie de conséquence que la Cour de Cassation se référait à la liste du CGI pour décider du régime social et fiscal des indemnités.

Or, dans deux arrêts du 15 mars 2018, elle se libère de la référence au texte de l’article 80 duodécies du CGI. Elle aligne désormais le régime social des indemnités de rupture du contrat de travail sur le régime fiscal. La Cour de Cassation  pose ainsi en principe « qu’il résulte des dispositions du premier alinéa de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail… dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l’assiette de cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent pour tout ou en partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice ».

La Cour de Cassation rappelle donc que l’intégration de principe des indemnités versées à l’occasion d’un contrat de travail dans l’assiette des cotisations sociales perdure mais précise surtout qu’une exonération est possible pour les indemnités non visées par l’article 80 duodécies à la condition qu’il s’agisse de l’indemnisation d’un préjudice ce que l’employeur devra démontrer. Il appartiendra aux juges du fond d’apprécier si la somme litigieuse a une nature indemnitaire, en interprétant les éléments de fait et des preuves versées aux débats.

Dans le premier arrêt du 15 mars 2018 (n°17-11.336) la Cour de Cassation approuve les juges du fond qui ont refusé le caractère indemnitaire des sommes transactionnelles versées lors d’une transaction après des départs en retraite. Pour refuser le caractère indemnitaire de la somme versée lors de la transaction, les juges ont constaté que les salariés étaient à l’origine de leur départ en retraite. Ils refusent de considérer qu’ils ont été contraints au départ, ce qui résultait des courriers échangés. Les sommes ainsi versées ne revêtant pas un caractère indemnitaire, les juges, devaient être soumises à cotisations sociales.

Dans la seconde affaire (n°17-10325), les juges du fond retiennent le caractère indemnitaire d’une somme versée dans le cadre d’une transaction faisant suite à un licenciement pour faute grave. Les juges du fond interprètent le protocole d’accord qui est jugé clair et précis. Le protocole précisant que l’employeur était à l’origine du licenciement pour faute grave et n’a pas renoncé à la faute grave. L’indemnité versée ne comprenant ni l’indemnité de préavis, ni l’indemnité de licenciement, les sommes sont exonérées de cotisations.

Il résulte de ces arrêts que la rédaction du protocole revêt une importance essentielle dans l’administration de la preuve.

Sur la base de ces décisions, on peut distinguer distinctement les préjudices indemnisés par voie transactionnelle entre :

  • le préjudice découlant de la rupture du contrat de travail,
  • le préjudice découlant des circonstances de fait précises et justifiables, entraînant un préjudice spécifique tel qu’un préjudice de carrière, une atteinte à la notoriété professionnelle, un préjudice de carrière etc. Dans ce cas à la condition d’en rapporter la preuve, les indemnités sont exonérées de cotisations sociales.

En cas de contestation, l’URSSAF et le juge seront amenés à apprécier les éléments de preuve du préjudice ainsi que le caractère proportionné de l’indemnité.

En ce qui concerne l’indemnisation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail, l’article 80 duodicies exonère totalement d’impôt l’indemnité prévue par la convention collective de branche ou l’accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi.

Une tolérance administrative permet en outre de faire échapper à l’impôt la part de l’indemnité transactionnelle qui rapportée à l’indemnité légale ou conventionnelle n’excède pas le plafond fiscal.

Selon cette tolérance, l’administration fiscale admet que l’indemnité transactionnelle faisant suite à un licenciement entre dans la constitution de l’indemnité de licenciement et en suit le régime (BOI 5-8-00 n°118 du 26 juin 2000 n°16). Il convient de faire masse de l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle et de l’indemnité transactionnelle en soumettant la somme résultant de ces deux indemnités au régime d’exonération d’impôt applicable à l’indemnité de rupture. C’est-à-dire l’exonération dans la limite du plafond fiscal (soit deux fois la rémunération annuelle brute de l’année civile précédant la rupture ou 50% de l’indemnité versée si le seuil est supérieur, et ce dans la limite de 6 PASS, soit le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement).

 La question qui persiste à l’issue des arrêts rendus en 2018 concerne les cotisations sociales sur le montant de l’indemnité transactionnelle afférente à la rupture du contrat de travail.

Doit-on calculer les cotisations sociales sur le montant de l’indemnité transactionnelle puisque celle-ci n’entre pas dans la liste des indemnités exonérées d’impôt par l’article 80 duodicies, ou comme cela était le cas jusqu’à ces arrêts appliquer une exonération des cotisations sociales dans la limite du plafond social de 2 PASS (en faisant masse de l’indemnité transactionnelle et de l’indemnité légale ?

Il est possible de conclure qu’il faut opter pour la seconde solution dans la mesure où l’indemnité transactionnelle est bien versée « à l’occasion de la rupture du contrat de travail » sous réserve que cette indemnité n’ait pas pour effet de dépasser le plafond fiscal, conditions mentionnées à l’article L 242-1 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2018-474 du 12 juin 2018.

 La rédaction de l’article L242-1 issue de l’ordonnance du 12 juin 2018 (applicable aux cotisations et contributions dues pour les périodes à partir du 1er septembre 2018) procède en effet à un alignement d’assiette entre les cotisations sociales et la CSG. Le nouvel alinéa 1 de l’article L242-1 pose le principe de l’assujettissement aux cotisations sociales en se référant au nouvel article L 136-1-1 du code de la sécurité sociale créé par l’ordonnance. Or, cet article prévoit dans le III que sont exclues de l’assiette de la contribution (…) « indépendamment de leur assujettissement à l’impôt sur le revenu, les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail dans la limite du plus petit de ces montants :l 

  • le montant prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou la loi si ce dernier est le plus élevé, ou en l’absence de montant légal ou conventionnel pour le motif concerné le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
  • le montant fixé en application du 7° du II de l’article L242-1 du présent code » (deux pass).

 

Imprimer