Prise en application de l’article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée de travail et de jours de repos permet à l’employeur de s’affranchir des règles de droit commun en matière de temps et de durée du travail.
L’ordonnance du 25 mars 2020 précise les conditions et limites dans lesquelles un accord d’entreprise ou de branche autorisera l’employeur à imposer ou modifier les dates de prise d’une partie des congés payés, et les modalités lui permettant d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié.
Elle prévoit également des dérogations en matière de durée de travail et des dérogations en matière de repos hebdomadaires et dominical pour permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles actuellement en vigueur.
1- Sur les congés
L’article L 3141-16 du code du travail dispose que l’employeur définit, après avis du comité économique et social, la période de prise des congés et l’ordre des départs. Il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue.
Désormais, pendant la période d’état d’urgence sanitaire et sous réserve d’un accord d’entreprise ou de branche, l’employeur peut de manière exceptionnelle :
- imposer la prise de congés payés ou modifier les dates d’un congé déjà posé, dans la limite de 6 jours ouvrables (soit 1 semaine de congés payés), en respectant un préavis d’au moins 1 jour franc (au lieu d’1 mois ou du délai prévu par un accord collectif). Il peut s’agir de congés acquis à prendre avant le 31 mai ou bien de congés acquis, mais à prendre avant même le début de la période où ils sont habituellement pris (soit, à compter du 1er juin) ;
- fractionner des congés payés sans l’accord du salarié et suspendre temporairement le droit à un congé simultané des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité (Pacs) dans une même entreprise.
Les dispositions de l’ordonnance permettent donc à un accord collectif de branche ou d’entreprise d’autoriser l’employeur à imposer à ses salariés de prendre 6 jours ouvrables de congés payés ou de modifier les dates d’un congé déjà posé, dans la limite de 6 jours ouvrables, sans avoir à respecter le délai de prévenance d’1 mois (ou le délai prévu par la convention collective). Ce délai ne peut être toutefois inférieur à « un jour franc » (article 1er de l’ordonnance).
Cette possibilité d’imposer les jours de congés payés concerne les congés acquis à prendre avant le 31 mai et ceux, acquis, à prendre avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris (soit à compter du 1er juin), toujours dans la limite de 6 jours ouvrables.
En outre, toujours sous réserve d’un accord de branche ou d’entreprise le prévoyant, l’employeur peut fractionner les congés payés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié. Il n’est pas non plus tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un PACS travaillant dans son entreprise, comme l’exige en principe l’article L 3141-14 du code du travail.
Sans un accord d’entreprise ou de branche, l’employeur peut imposer au salarié, avec un préavis minimum d’1 jour franc, de prendre ou modifier :
- les journées de réduction du temps de travail (RTT) ;
- les journées ou demi-journées d’une convention de forfait en jours sur l’année ;
- les jours déposés sur le compte épargne-temps et en déterminer les dates lorsque les difficultés de l’entreprise ou des circonstances exceptionnelles l’exigent.
L’employeur ne peut imposer au salarié de prendre plus de 10 jours de repos ou d’en modifier la date. Le salarié ne pourra pas prendre ces jours de congés au-delà du 31 décembre 2020.
En d’autres termes, pour les jours de réduction du temps de travail, les jours de repos dans le cadre d’une convention de forfait et les jours de repos affectés sur un compte épargne-temps du salarié, leur prise peut être imposée ou modifiée unilatéralement par l’employeur, sans qu’un accord collectif soit nécessaire, sous réserve d’un délai de prévenance minimal d’un jour franc. Le nombre de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date ne peut être supérieur à 10.
2- Sur le temps de travail
Par dérogation, les entreprises relevant de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique (dont la liste sera déterminée par un décret à paraître), ainsi qu’aux entreprises qui leur assurent des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale peuvent déroger aux règles de durée du temps de travail, le repos hebdomadaire et le repos dominical.
Les changements suivants sont admis :
- passage de 10h à 12h pour la durée quotidienne maximale de travail de jour ;
- passage de 8h à 12h pour la durée quotidienne maximale de travail de nuit sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal au dépassement de la durée ;
- passage de 11h à 9h pour la durée du repos quotidien sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n’a pu bénéficier ;
- passage de 44h à 46h pour la durée de travail hebdomadaire autorisée sur une période de douze semaines consécutives ;
- passage de 48h à 60h pour le temps de travail autorisé sur une même semaine ;
- autorisation du travail le dimanche ;
- baisse du temps de repos compensateur entre deux journées de travail de 11h à 9h.
Les heures supplémentaires sont donc autorisées au-delà des règles habituellement fixées et les jours de repos hebdomadaires et dominical pourront donc être contournées, de manière temporaire.
Par voie de conséquence, dans les secteurs considérés comme « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » l’ordonnance prévoit des dérogations en matière de durée de travail hebdomadaire. Un décret à paraître listera les secteurs dans lesquels le temps de travail des salariés peut augmenter temporairement pour faire face à cette situation exceptionnelle.
Sur l’information du CSE et de la DIRECCTE
Selon l’article 6 de l’ordonnance, tout employeur faisant usage d’au moins une de ces dérogations doit en informer sans délai et par tout moyen le comité social et économique de l’entreprise ainsi que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.