Par un arrêt du 27 novembre 2019 (Cass. Soc. 27 novembre 2019, n°18-10.551), la Cour de Cassation rappelle l’importance de l’obligation de prévention des risques professionnels consacrée par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail et déclinée par l’article L 1154-1 en matière de harcèlement moral. L’article L 1154-1 dispose : « L’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ».
Cette obligation de prévention fait partie intégrante de l’obligation de sécurité de l’employeur.
Selon la Cour de Cassation, l’employeur averti d’une situation de harcèlement moral doit diligenter une enquête en interne et prendre si nécessaire les mesures correctives. A défaut de réaction, il manque à son obligation de prévention et peut être condamné à indemniser le salarié de son préjudice, même si le harcèlement est jugé finalement non caractérisé.
La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris qui avait débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour manquement par l’employeur à son obligation de sécurité. Le salarié reprochait à l’employeur l’absence de toute mesure de prévention et d’enquête à la suite de sa dénonciation d’agissements qu’il estimait constitutifs de harcèlement moral.
Les juges d’appel avaient débouté le salarié de sa demande dès lors que le harcèlement moral n’était pas établi. Pour les juges du fond, en l’absence de harcèlement moral, il ne pouvait être reproché à l’employeur de ne pas avoir diligenté une enquête et partant d’avoir manqué à son obligation de sécurité.
La Cour de Cassation casse l’arrêt au motif qu’elle ne pouvait rejeter la demande de dommages et intérêts fondée sur un manquement à l’obligation de prévention du seul fait que le harcèlement moral n’était pas établi. En d’autres termes, les juges du fond en présence d’une dénonciation de harcèlement moral, doivent apprécier si la réaction de l’employeur est appropriée, indépendamment de la qualification des faits de harcèlement moral. L’employeur peut voir sa responsabilité engagée au titre de son obligation générale de prévention lorsqu’il ne prend aucune mesure d’investigation à la suite d’une dénonciation de harcèlement moral.
Cet arrêt se situe dans la lignée des arrêts rendus le 6 janvier 2012 (Cass. soc. 6 janvier 2012, n°10-27.694) et 19 novembre 2014 (Cass. soc. 19 novembre 2014, n°13-17.729) qui avaient opéré une distinction en matière d’indemnisation du préjudice, dans le cas où les faits avaient été reconnus constitutifs de harcèlement moral. Selon ces arrêts, la méconnaissance de son obligation de prévention prévue par l’article L 1152-4 ouvre droit à une indemnisation spécifique cumulable avec celle résultant du harcèlement moral lui-même, à la condition de prouver l’existence de deux préjudices distincts.