Depuis un revirement de jurisprudence du 13 avril 2016 (cass. soc. 13 avril 2016 n° 14-28.293 PRB), la chambre sociale a posé en principe que le salarié, conformément au droit de la responsabilité civile, doit prouver l’existence et l’étendue de son préjudice pour être indemnisé.
La chambre sociale a néanmoins admis certaines dérogations à cette jurisprudence du préjudice nécessaire.
Une nouvelle illustration de cette jurisprudence résulte de l’arrêt rendu par la chambre sociale le 17 octobre 2018 (cass, soc, 17 octobre 2018, n° 17-14. 392 FS-PB). La Cour pose en principe que « l’employeur qui met en œuvre une procédure de licenciement économique alors qu’il n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel et sans qu’un procès-verbal de carence n’ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ». Dans ce cas une indemnité minimale d’un mois est due.
Pour casser l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui a refusé d’allouer cette indemnité au motif que le salarié ne démontrait pas la réalité du préjudice qu’il aurait subi du fait de la carence d’institutions représentatives du personnel, la Cour de Cassation juge que dans cette hypothèse le préjudice du salarié est présumé et doit donc donner lieu à indemnisation.
La cassation est prononcée aux visas l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et sanctionne la privation du droit d’être représenté et défendu par des représentants du personnel, droit garanti constitutionnellement au principe de participation et à la détermination collective des conditions de travail, de l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne relatif au droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise et à l’article 8 § 1 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 relative à l’information des travailleurs selon lequel les états membres veillent à ce qu’il existe des procédures administratives ou judiciaires appropriées pour faire respecter les obligations découlant de la directive.
Il est à noter que c’est la deuxième fois que la Cour de Cassation admet une exception au principe du préjudice nécessairement causé : par un arrêt du 13 septembre 2017 (cass. Soc. 13 septembre 2017, n°16-13. 578, PRBI) la cour suprême a maintenu sa jurisprudence antérieure au 13 avril 2016 en cas d’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement. Dans ce cas, le salarié est assuré d’obtenir des dommages et intérêts au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse.
En revanche, la chambre sociale applique la jurisprudence issue de l’arrêt du 13 avril 2016 obligeant le salarié à justifier de son préjudice dans l’hypothèse où l’employeur n’a pas respecté son obligation de respecter la procédure de consultation alors qu’il a bien en place les institutions représentatives du personnel (cass. Soc 14 juin 2017, n°16-16.001 D).