Par un arrêt du 21 novembre 2018 promis à une large diffusion (cass. soc. 21 novembre 2018, n°17-16.766 FS – PBRI) la Cour de Cassation pose en principe que « si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l’employeur de l’obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l’employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi ».
La Cour de Cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel de Douai qui avait fait droit aux demandes de deux salariés ayant saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à la requalification de leur licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de toute recherche de reclassement les concernant. L’employeur était une association et avait élaboré un plan de sauvegarde de l’emploi ayant fait l’objet d’un document unilatéral homologué par la Direccte n’ayant pas été contesté devant le juge administratif dans le délai de deux mois. De façon surprenante, le PSE indiquait qu’aucun reclassement interne ne pouvait être envisagé au motif l’employeur était une association. La Cour d’appel avait jugé que l’employeur avait violé l’obligation individuelle de reclassement au motif que le PSE avait exclu à tort toute recherche de reclassement en raison de la forme associative.
La décision est cassée au motif que la cour d’appel s’est fondée exclusivement sur le contenu du PSE. Dans cet arrêt la Cour de Cassation rappelle la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif telle qu’elle résulte de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 qui a fait du juge administratif le juge principal du contentieux du PSE. Aux termes de cette répartition des compétences issue de l’article L 1235-7-1 du code du travail toute contestation portant sur l’accord collectif ou le document unilatéral élaboré par l’employeur sur le PSE ou sur la régularité de la procédure d’information-consultation des représentants du personnel doit être portée devant le juge administratif à l’occasion de la contestation de la décision de validation ou d’homologation du Direccte.
La Cour de Cassation, conformément à l’instruction DGEFP/DGT n° 2013-13 du 19 juillet 2013 (fiche 13), rappelle le champ de compétence du juge judiciaire qui connaît des contentieux individuels relatifs au motif économique, à la mise en œuvre du PSE ou à l’indemnisation du préjudice résultant de l’annulation du PSE.
Ainsi, aux termes de l’arrêt du 21 novembre 2018, si le juge judiciaire est compétent pour connaître des contentieux individuels relatifs à l’obligation de reclassement, il ne peut, à cette occasion, apprécier le contenu du PSE qui relève de la seule compétence du juge administratif dans le cadre du litige relatif à la décision de validation ou d’homologation du PSE. Selon l’arrêt « le contrôle du contenu de ce plan relève de la compétence du juge administratif ».
Le juge judiciaire est ainsi compétent pour sanctionner les manquements de l’employeur au titre de la mise en œuvre de l’obligation individuelle de reclassement de l’article L 1233-4. L’homologation ou la validation du PSE ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire sanctionne un manquement à cette obligation dans la mise en ouvre du PSE.