Par un arrêt du 4 juillet 2018 (Cass. Soc. n°17-18.241 FS-PB) rendu au visa de l’article 6 § 1 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, la Cour de Cassation rappelle que le juge prud’homal, dans l’appréciation de la cause du licenciement, ne peut fonder sa décision « uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes ».

Cette décision accorde la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 20 novembre 1989, KATOVKI c/ Pays-Bas, n° 11454/85) et de la chambre criminelle (Cass. Crim. 12 janvier 1989, n°88-81.592). Cette dernière juge que lorsque l’accusation repose uniquement sur des dépositions de témoins, la personne poursuivie doit avoir la possibilité de les interroger à un stade quelconque de la procédure.

L’arrêt du 4 juillet 2018 n’interdit pas la production de témoignages anonymes mais pose en principe que la décision du juge ne peut se fonder uniquement sur ces seuls témoignages anonymes. En d’autres termes, les témoignages anonymes doivent être complétés par d’autres moyens de preuve.

L’inscription dans la jurisprudence de la chambre sociale du principe du contradictoire dans la recherche de la cause de la sanction ou du licenciement s’inscrit dans un courant de jurisprudence désormais bien établi.

Si l’employeur n’est pas tenu, aux termes de la réglementation (article L 1232-3 du code du travail imposant la convocation du salarié à un entretien préalable avant de prononcer un licenciement), de communiquer au stade de l’entretien préalable les preuves qu’il détient, il est désormais constant que tant devant le juge judiciaire que devant l’autorité administrative, compétente pour apprécier le bien fondé de la demande d’autorisation de licenciement des salariés protégés, le principe du contradictoire doit être observé.

La Cour de Cassation a récemment rappelé que les moyens de preuve obtenus par l’employeur doivent être licites, notamment en cas de mise en place d’un audit des fonctions d’un salarié servant de fondement à une sanction disciplinaire (Cass. Soc. 28 février 2018, n°16-19.934). Dans cet arrêt la Cour avait jugé que le salarié ne devait pas être tenu à l’écart et devait être entendu sur les conclusions définitives en sorte que le salarié devait pouvoir se défendre.

Le Conseil d’Etat a posé en principe de longue date (CE, 12 octobre 2006, n°286728) que l’administration, dans le cadre de l’enquête contradictoire, doit informer le salarié des agissements qui lui sont reprochés et lui communiquer l’ensemble des pièces, y compris les témoignages et attestations produites par l’employeur à l’appui de sa demande d’autorisation de licenciement. Cependant, le juge administratif apporte une dérogation au principe du contradictoire lorsque la communication ou l’accès aux témoignages et attestations serait de nature à porter gravement atteinte à leurs auteurs : dans ce cas, l’inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé de manière circonstanciée des témoignages sans indiquer le nom de leur auteur (CE 19 juillet 2017, n°389635).

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